KRATIЯ : Note d’intention. 

Le site KRATIЯ a pour ambition de donner à comprendre le Pouvoir dans sa dimension anthropo-philosophique.  Un pouvoir aux manifestations multiples : du pouvoir souverain, despotique, qui impose les « interdictions » et qui agit à travers des exclusions, jusqu’au pouvoir davantage « flexible » (et contemporain), qui agit en jouant des « incitations » et des « inclusions », caractéristique du pouvoir « bio-politique », en passant par le pouvoir disciplinaire[1].

Pourquoi  « Kratia » ? Parce que c’est le mot grec – κρατια – qui se rapproche le plus du terme de  « pouvoir »  tel que l’entendait Foucault: l’ensemble des dispositifs qui font que certaines forces prennent le dessus sur toutes les autres. Comme dans le mot « demokratia », « kratia » recouvre un certain nombre des mécanismes politiques qui font que c’est le « demos » qui règne et non les « aristoi » (les « meilleurs » du modèle aristocratique) ou les « oligoi » (les « peu nombreux », du modèle oligarchique). Bien qu’on ne puisse pas tout à fait parler  d’« action sur les autres actions » (la définition stricte du pouvoir selon Foucault[2]), il s’agit néanmoins des « dispositifs », du  réseau de mécanismes, et pas de l’entité séparée et pure qu’évoque davantage le mot « κρατος » (« kratos ») – qu’on pourrait traduire par  « puissance ».

Ainsi « Kratia »[3]c’est le pouvoir soumis à l’analyse et au questionnement critique ; et c’est bien là l’objectif de ce site : questionner le fonctionnement réel de tous ces mécanismes qui permettent que certains  aient le pouvoir sur d’autres. De la souveraineté jusqu’à la bio-politique, toutes ces formes du pouvoir doivent être soumises à l’attention critique de « Kratia».

« Kratia » – et la revue « ЭCCE HOMO » – a pour ambition de jeter un pont entre le monde russe et le monde occidental, en concevant la Russie comme une entité culturelle et politique liée à l’Europe. Cette approche n’est évidemment pas étrangère à mon expérience initiale en tant que  chercheur russe en philosophie politique et en anthropologie philosophique, passé par l’expérience européenne et devenu un chercheur français.  De facto, la Russie doit être comprise comme un pays ayant entrepris plusieurs tentatives d’européisation, restées – pour  l’heure  – incomplètes ou inachevées.  En sorte que le questionnement du pouvoir évoqué ci-dessus s’inscrira particulièrement dans cet espace particulier d’échange et de singularité caractérisant la  Russie et  l’Europe, – avec la perspective toujours possible d’une forme d’unification.

Le nom « KRATIЯ » est lui-même le produit de cet entre-deux, qui prend le « Я » (« -ya ») russe comme terminaison et réalise ainsi, à son niveau – phonétique pour le moment –,  l’union – entre l’Europe et  la Russie. De même, la revue « ECCE HOMO » relève d’un jeu phonétique semblable ; son nom exact « ЭCCE HOMO » use du  « Э » (« – è »)  russe  et transforme de cette manière  le mot latin « ECCE » en mot russe « ЭCCE»  (« essai »), donnant de la sorte une valeur particulière à l’injonction « ecce homo » (« Voici l’homme », tel que Montaigne aurait pu l’entendre pour ses Essais…).

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Le site KRATIЯ englobe et présente quatre projets :

  • La revue « ЭCCE HOMO » se donne pour objectifs de réunir les efforts des chercheurs russes et européens dans leurs recherches sur la Russie et l’Europe dans les domaines de la sociologie, de l’anthropologie politique, de l’anthropologie philosophique, de la philosophie politique et de l’histoire.

« Réunir » signifie ici agir intellectuellement en dépit de l’intérêt que peuvent trouver les pouvoirs à désunir, à séparer, à opposer. Vous trouverez des explications plus précises sur ce projet grâce à sa Note d’intention. La revue est certifiée par l’Institut National de la Propriété Industrielle.

  • Le documentaire sous le nom « Alternatives à la prison : une idée d’avenir ? » Ce projet est actuellement en phase initiale. De sorte qu’on ne trouvera pas encore le film en lui-même sur le site. Mais vous trouverez ici la Note d’intention du film. Le reste va se développer au fur et à mesure, en collaboration avec nos homologues qui travaillent dans le domaine de l’audiovisuel, impliquant des tournages un peu partout dans l’Europe. Nous vous informerons au fur-et-à-mesure sur la progression du projet.
  • Le projet de colloque sous le nom « Archives : enfant-bagnard » est, lui aussi, en phase initiale. Il s’agira d’un colloque interdisciplinaire (mêlant la sociologie, l’histoire et la philosophie politique), entre deux pays (France-Russie). Il portera sur les traits communs à nos deux histoires : qu’est-ce qui nous rapproche à travers l’histoire dans la manière dont sont punis ceux qui sont les plus innocents (les enfants) au sein de bagnes et  de camps ?
  • L’Association « Amicale d’ЭCCE HOMO ». L’association a été créée dans le but de promouvoir tout effort intellectuel, centré sur le renforcement de la collaboration culturelle entre la Russie, la France et l’Europe dans les domaines qui sont prioritaires pour les projets annoncés sur KRATIЯ. Vous trouverez les statuts de l’Association sur le site.

Denis GOLOBORODKO.

Paris, le 07 juin 2020

 

[1] Ces définitions du pouvoir sont de facto tirées de l’analyse qu’en a proposé Foucault, examinée en détails dans notre thèse Le pouvoir : entre négativité et productivité. Le thème de l’exclusion dans la pensée foucaldienne (https://www.theses.fr/198602510).

[2] « Kratia » renvoie davantage aux dispositifs (les structures du pouvoir) qu’aux actions (les productions des structures du pouvoir, ce qui intéressait surtout Foucault).

[3] Qui est linguistiquement parlant une désinence formée sur le verbe « κρατεω-ϖ » (« krateô ») : « dominer, régner » ; « être le maître » ; « commander, ordonner » ; « être le plus fort » ; « prévaloir, prendre force de loi, devenir une règle » (cf. BAILLY, Dictionnaire Grec-Français, p. 1131 ))